« Allez en prison, franchissez la case canapé, ne touchez pas votre télé ! »
Si le cinéma se passionne depuis toujours pour l'univers carcéral, les séries télé n'ont jamais été en reste. Il existe en effet beaucoup de séries qui se déroulent en prison, décrivant le quotidien des détenus et du personnel. Le tout étant d’arriver à se renouveler à chaque nouvelle saison !
Oz de Tom Fontana (1997-2003)
Autrefois, celui ou celle qui avait commis un délit était arrêté(e), mis(e) derrière les barreaux et l'histoire s'arrêtait là. Désormais, on ouvre les portes du système pénitentiaire pour le rire ou pour le pire ! Adieu liberté et lendemains ensoleillés...
Coup d’œil sur quelques séries qui ont su exploiter le filon.
Un peu d’humour dans ce monde de bruts
Les séries ayant pour thème l’univers carcéral ne datent pas forcément d’hier.
Prenons l’exemple de Papa Schultz et sa prison la plus peinarde de l'histoire de la télévision. Une sitcom américaine diffusée dès 1965 qui se déroule au Stalag (camp de prisonniers de guerre tenu par les Allemands durant la seconde Guerre mondiale), ce n’est pourtant pas le lieu destiné aux franches rigolades ! La série choisit la parodie et dédramatise la réalité et l’horreur du lieu. Les officiers allemands sont d’ailleurs stupides ou naïfs et tombent dans tous les pièges des prisonniers. Fan ou non des situations répétitives qui reflètent peu la réalité de l'époque, il est impossible de nier le petit côté nostalgique lié à la série et à ses acteurs.
Une autre sitcom traitant du sujet de façon comique, moins connue chez nous et cette fois-ci anglaise, Porridge (bouillie), diffusée de 1974 à 77. En anglais, l'expression "Doing porridge" signifie "purger une peine", la bouillie étant le petit déjeuner servi autrefois dans les prisons anglaises. La série à l’humour « so british » était populaire parmi la population carcérale anglaise de l'époque car la relation entre le prisonnier et son gardien était vraiment réaliste.
Une référence à de nombreux égards
Passons à un univers complètement différent avec la série américaine Oz créée par Tom Fontana en 1997. Au pénitencier d’Etat Oswald, OZ pour les intimes, Tim Mc Manus est psychosociologue et gère un quartier où les détenus évoluent « librement » hors de leurs cellules. Cette unité spécialisée a pour but d'aider les grands criminels à se réinsérer. Si le projet semble au départ être respectable, on se rend compte bien vite que ce ne peut être qu’une utopie. Les prisonniers se regroupent par ethnie ou idéologie : bikers tatoués, italo-américains, fraternité aryenne, musulmans, etc. Chaque groupe essayant de s’imposer en alternant alliances et trahisons avec l’appui, parfois, de certains gardiens. Tout ceci narré par la voix ironique et grinçante d’Augustus Hill, un prisonnier noir en fauteuil roulant, jouant le rôle de guide pour le spectateur et de porte-parole pour l’auteur. M6 en diffusa la première saison mais se retint de programmer la suite de peur de choquer les téléspectateurs à cause de la violence du scénario et des personnages. Oz est pourtant une véritable description de la société américaine, une interrogation sur la place de Dieu dans une société sans loi mais aussi une réflexion sur l’amitié et la loyauté.
Un scénario en dents de scie
Comment parler des séries sur les prisons sans évoquer la très connue mais très controversée Prison Break ? Pour ceux qui seraient passés à côté, c’est une série américaine diffusée à partir de 2005, l'histoire d'un monumental plan d'évasion ! Quand Lincoln Burrows se retrouve pris au piège d'une conspiration, il est envoyé au Pénitencier d'Etat de Fox River. Là où il aurait dû mourir si son frère, Michael, n’avait pas été aussi futé ! Ce dernier, fit en sorte d’être condamné pour braquage et envoyé exactement là où il voulait : Fox River. Le but étant de s’y évader avec son frère grâce au plan de la prison qu'il s'est fait tatouer sur le corps...
Les deux premières saisons sont un bon mélange de suspense et d'action avec un aspect authentique puisqu'elles sont filmées dans une vraie prison. Paul Scheuring, le créateur, avait au départ rédigé son scénario sur deux saisons, la série a souffert ensuite de pas mal de rebondissements peu crédibles. Huit ans après, elle fait son retour avec une cinquième saison et une nouvelle évasion !
Cette nouvelle saison a le mérite de s'ancrer dans l'actualité en déplaçant l'action au Yémen. On traite de Daech et de terrorisme avec un rythme aussi soutenu que dans les premières saisons.
Du côté des femmes
Contrairement au cinéma qui a plus souvent exploité des prisons d'hommes que de femmes, les séries ont pratiquement traité les deux univers à parts égales.
Dans la série australienne Prisoner, diffusée de 1979 à 1986, on suit le quotidien des détenues du centre de détention de Wentworth. Une prison de haute sécurité où sont enfermées les femmes les plus dangereuses d'Australie. La série est un concentré de violence et de chaos. Par la suite, elle développe d’autres histoires (amitié, rivalité, alcool, drogue, assassinat, tentatives d'évasion, luttes pour le pouvoir, etc.) dans la prison mais aussi en dehors et dans d'autres prisons.
Prisoner devient l’une des séries les plus populaires d'Australie et s'internationalise. A l'époque, si elle fait la différence, c'est parce qu'elle semble beaucoup plus réaliste que les autres. D’ailleurs, très peu de maquillage est utilisé sur les actrices, loin des clichés hollywoodiens.
Une adaptation de Prisoner a vu le jour en Angleterre : Bad Girls (Les Condamnées) diffusée entre 1999 et 2006. Elle est parvenue à créer sa propre identité avec une vision plus moderne du monde carcéral au féminin. Cru et intimiste, la série ouvre les portes de la prison aux téléspectateurs en dévoilant la vie privée du personnel. Provocante et pleines de rebondissements, elle séduit et excelle dans la comédie.
Une autre série inspirée de Prisoner : Wentworth. Une série australienne, comme son aînée et diffusée depuis 2013. C’est une critique du système carcéral australien, dans lequel une femme violentée par son mari, se retrouve emprisonnée pour avoir tenté de le tuer. Le système impitoyable de la prison va profondément la transformer et la mener à devenir une tueuse pour sauver sa propre vie. D’autres exemples de réinsertions difficiles sont présents tout au long de la série.
Une dernière série sur les prisons de femmes qui mérite d’être citée : Orange is the new black. Une série américaine créée par Jenji Kohan (Weeds) et diffusée depuis 2013. En anglais, l'expression « is the new black » évoque la dernière couleur à la mode, partant du principe que le noir ne se démode jamais. Comme dans les autres séries sur le même thème, on y trouve des problèmes de racisme, de religion, de sexualité et de violence mais celle-ci est inspirée d'une histoire vraie. Il s'agit de l'adaptation des mémoires de Piper Kerman (My Year In a Women's Prison). On pénètre dans la prison avec Piper Chapman, condamnée à 15 mois et envoyée à Litchfield parce que dix ans plus tôt elle a transporté une mallette pleine d'argent sale pour sa petite amie. Piper se retrouve dans un environnement bien moins douillet que celui qu'elle connaît et tente de se faire à la vie en prison parmi les fortes personnalités des autres détenues. La série traite de l'enfermement le plus souvent sous le ton de la légèreté et de l'humour.
La p’tite nouvelle
On vient de le voir, les séries sur l’univers carcéral prospèrent depuis quelques années, il semble alors difficile d'étendre à l'infini les possibilités offertes par ces espaces confinés et pourtant...
La série argentine El Marginal, créée par Sebastian Ortega et diffusée dans son pays d’origine depuis juin 2016, réussit à éviter le piège du déjà-vu. On s’éloigne des établissements pénitentiaires à peu près sécurisés pour aller s’enfermer dans une prison à ciel ouvert, sans aucune protection et en plein cœur d’une favela. Pour la petite histoire, la fille de Lunatti, un juge haut placé à Buenos Aires, est kidnappée en pleine rue. Ne voulant pas ébruité l’affaire, le juge fait appel à Miguel Dimarco, un ancien flic incarcéré en Patagonie. Lunatti est convaincu qu’il existe un lien entre l’enlèvement de sa fille et la prison de San Onofre. L’ex-policier a alors pour mission d’infiltrer la bande soupçonnée d’être impliquée dans le kidnapping. Il doit s'attirer la sympathie de son chef pour permettre la libération de la fille, ce qui va le contraindre à s'associer avec les pires criminels du pays, au risque de ne jamais quitter la prison. Le personnage de Miguel Dimarco est charismatique et les détenus ne sont pas limités au simple rôle de "brutes épaisses". Ainsi, le thème de l'homosexualité entre prisonniers est abordé frontalement, il n'est pas tabou. La prison reflète les inégalités sociales avec les chefs confortablement installés à l'étage et le peuple entassé sous des tentes dans la cour. Cette série apporte un souffle nouveau au genre et confirme la qualité des séries argentines, plutôt rares sur nos écrans.
Ces séries se déroulant presque uniquement à huis clos arrivent encore à se renouveler et continuent de fasciner. On s'attend souvent à y trouver des personnages et des scénarios types mais l’endroit permet d'aborder beaucoup d'autres sujets portant sur des questions morales liées à l'enfermement, à la sexualité, à la peur ou à l'ennui. Si l’on ne manque pas d’être choqué par certaines scènes violentes, on est tout aussi intrigué et ému par les personnages et leurs problèmes.
disponibles à la MDO