Festive, triste, engagée, ou simplement divertissante, la musique rythme inlassablement nos existences et met en lumière nos émotions les plus profondément enfouies. Rien d’étonnant donc, à ce qu’on la retrouve assez rapidement dans l’histoire de l’humanité. Pas un milieu, pas un pays, pas une ville, qui ne soit touché par son influence. Aussi accessible que complexe, la musique a tôt fait de se diversifier au cours de sa longue histoire pour constituer une série de codes et pratiques qui lui est propre. Il est donc logique que ce phénomène de société devienne un produit fictionnel.
Une longue absence
Si la musique a toujours occupé une place de choix au cinéma et à la télévision, Il est difficile de dater l’apparition des premières séries musicales. Cette absence prolongée s’explique par la réputation de faible rentabilité, coutumière de cette thématique.
Néanmoins, se rangeant derrière le succès d’un film, une série américaine décide de sauter le pas. Ainsi les années 80 voient-elles débouler Fame (1982-1987). Le spectateur y suit les péripéties hautes en couleurs, d’élèves en école d’arts du spectacle. Un prétexte tout trouvé pour des chorégraphies endiablées, sur fond de musiques pétaradantes. Entre comédie dramatique pour ados et comédie musicale, Fame s’inscrit ainsi comme l’une des premières tentatives du genre.
L’essor : l’ère du biopic
Les séries musicales actuelles prennent leur essor dans le courant des années 2000. La sociologie musicale étant devenue un intérêt en soit, on voit déferler au cinéma une vague de biopics. Ces films biographiques puisent dans le vaste panorama d’artistes, que nous offre l’histoire. Complexes, torturées et passionnées, ces figures présentent souvent des parcours vertigineux qui fascinent le public, comme le prouvent les succès rencontrés au box-office.
La musique : prétexte à la sociologie
Les investisseurs n’étant plus frileux pour se lancer dans l’aventure, les séries musicales envahissent rapidement le petit écran. De Glee (2009-2015) à Empire (2015), c’est tout un monde qui est revisité. La musique est devenue une pratique sociale, avec ses genres, ses usages, ses lieux emblématiques, ses acteurs, ses codes, et ses adeptes. Interroger la musique au travers d’une série, c’est aussi interroger la société tel que le montre, par exemple, la mise en abîme de la Nouvelle Orléans des années post-Katrina, à travers le regard d’un musicien de Jazz dans la série Treme.
Musique et séries : business is business
L’émergence de ces nouvelles séries a des conséquences inattendues dans les milieux artistiques, créant des passerelles nouvelles entre la musique, le cinéma, et la télévision. On pense notamment à la collaboration de Mick Jagger avec le réalisateur Martin Scorsese, pour la création de la série Vinyl (2016).
Si l’aventure n’a pas porté ses fruits (arrêt dès la fin de la première saison), d’autres musiciens, tels que Bruno Mars, Pitbull, Jennifer Lopez, sont prêts à tenter l'aventure, conscients du coup promotionnel que peut représenter un tel investissement.
Un genre en péril ?
Pourtant au vu d’exemples récents, se lancer dans la création d’une série musicale relève du pari risqué. Malgré une base solide de fans, mettre une star aux manettes n’est pas une garantie de succès. En atteste le cas Vinyl, où la caution Mick Jagger n’a pas sauvé le show du naufrage.
Raconter un mouvement spécifique, mettre en avant sa singularité et ses différents acteurs, tout en captivant une large audience, semble difficile, comme le témoigne la série The Get Down (2016). Prometteuse à plus d’un titre, la série narrait la naissance du hip-hop à New York dans les années 70. Un thème plus qu’intéressant, mais qui n’a pas épargné à la série d’exploser en plein vol.
Le mot de la finLes séries musicales seraient-elles un genre maudit ? Non pas ! L’histoire des films et séries musicales est matinée de succès inattendus, comme de projets prometteurs réduits à l’état d'échecs retentissants.
Exactement comme la musique elle-même, qui a hissé de parfaits inconnus au rang de stars mondiales, et a connu son cortège d’artistes talentueux devenus "has been" du jour au lendemain. La justice et la rationalité n’ont pas grand-chose à y faire. Disons simplement, que les goûts du public peuvent être particulièrement fluctuants et imprévisibles, surtout dans une époque où tout va de plus en plus vite.
Séléction de la MDO
Treme
David Simon, Eric Overmyer
4 saisons (2010-2013)
Encore une création de David Simon (The wire, The corner) qui fait mouche. Poursuivant son décryptage de la sociologie américaine et des inégalités qui lui sont inhérentes, l’ancien journaliste d’investigation s’attaque désormais à la Nouvelle-Orléans, après le passage de l’ouragan Katrina. Tensions communautaires et fracture sociale sont au menu, le tout vu par un musicien de Jazz, luttant durement pour vivre de son art. Mais plus qu’une série misérabiliste, Treme est surtout un vibrant hommage à une ville, et à sa musique unique au monde.
Empire
Lee Daniels, Danny Strong
4 saisons (depuis 2015)
Juteux business, le hip hop a bâti des fortunes colossales. C’est de ces magnats d’un genre nouveau, que s’est inspirée la série Empire. On y suit le quotidien haut en couleur de Lucius Lyon, patron tout puissant du prolifique label Empire. Derrière cette façade de rêve américain, les problèmes ne vont pas tarder à s’accumuler : soucis de santé, guerre de succession, concurrence effrénée, et déboires sentimentaux, viendront mettre à mal les projets et le quotidien de l’entrepreneur musical.
Vinyl
Martin Scorsese, Mick Jagger
1 saison (2016)
Dans l’art, il y a des désastres que l’on juge à l’aune de leurs ambitions initiales. Le cas de Vinyl est significatif. Comment une série qui avait tout pour elle, avec deux stars internationales à sa réalisation, et qui s’avérait éminemment passionnante, a-t-elle pu couler du jour au lendemain ? Des divisions internes, des coûts de production trop élevés opposés à des audiences trop faibles, une concurrence acharnée, et des divergences artistiques, semblent constituer des éléments de réponses. Adieu donc les aventures de Richie Finestra, producteur musical véreux dans le New York des années 70. Heureusement qu’il reste les films de Martin Scorsese et les disques des Rolling Stones, pour se consoler.
Fame
Christopher Gore
6 saisons (1982-1987)
Crée suite au succès du film éponyme, la série Fame constitue l’une des premières séries musicales connues. Ces péripéties d’étudiants en école d’arts du spectacle ont longtemps fait autorité, et en fait l’une des séries culte des eighties. Assez proche des comédies musicales, Fame se distingue néanmoins de son modèle en détaillant les liens sociaux entre ses différents protagonistes.
Nashville
Callie Khouri
5 saisons (depuis 2012)
La musique et son star système constituent un milieu impitoyable, où tels des Icare modernes bien des personnalités côtoient les sommets de la gloire, avant d’entamer un lent mais irrémédiable déclin. Ce qui s’applique à Rayna James, star du country sur la pente, tentant de renouer avec ses succès d’antan. La présence d’une jeune étoile montante avide de succès, et le retour d’un ancien amant, n’arrangeront pas ses affaires.
The get down
Baz Luhrmann, Stephan Aldy Guirgis
1 saison (2016-2017)
La fin des années 70 à New York constitue une période clé. Si la grosse pomme était marquée par l’une des crises les plus terribles de son histoire, elle a aussi connue une émulation artistique incroyable. Le Hip hop en est un exemple éloquent. Ainsi l’ambition de la série The get down était d’en narrer l’histoire, à travers un groupe de jeunes, pleinement acteurs du mouvement. Un thème intéressant, qui n’a pourtant pas empêchée l’annulation de la série. Dommage...